Triste Vie [PV: Alice]

Alice papillonna des paupières lorsque les rayons pales du soleil vinrent lui effleurer les yeux. Elle grogna et tourna la tête, pour éloigner ses globes oculaires de la lumière si agressive. Une petite douleur se fit sentir au niveau du cou et inconsciemment, la jeune fille porta sa main à la cause de cette légère brulure. Elle sentit du tissu sous ses doigts et cela l’étonna. La rousse se releva sur son lit en baillant et regarda l’horloge. Il était déjà dix heures du matin, c’était exceptionnel qu’elle se lève à cette heure là. Elle tenta de se souvenir ce qu’elle avait fait la veille et qui aurait pu la forcer à dormir aussi tard, mais ses souvenirs étaient tout à fait confus, car elle n’était pas assez bien réveillée. Elle posa ses pieds nus sur le parquet froid de sa chambre et fit quelque pas en direction de la fenêtre. Au dehors, la ville était déjà active. Les gens parcouraient les rues en bavardant, les marchands tentaient de vendre leurs marchandises et les enfants jouaient, innocents. La ville était vraiment différente la journée, la nuit, seuls les fous sortaient de leurs maisons …

Elle soupira et se détourna. Une longue journée l’attendait. Comme presque chaque jours depuis trois ans à présent, elle allait devoir tenir tête aux conseillers qui tenteraient de prendre sa place, donner des ordres à tous ses serviteurs feignants et accessoirement, essayer de se souvenir ce qui c’était passé la nuit dernière … Elle s’habilla rapidement et enleva le bandage autour de son cou. Elle vit une légère trace à côté de sa cicatrice. Elle fronça les sourcils puis elle se rappela et écarquilla les yeux de stupeur. Il avait osé la mordre … Alice grinça des dents en tapant du poing sur sa coiffeuse. Ce sale petit vermisseau l’avait touché … Bon, il fallait avouer qu’elle s’était endormie sur son épaule, ce qui n’était pas très mal … Elle soupira puis sortit de sa chambre en grommelant qu’un jour, elle allait se venger et qu’il allait le regretter fortement.

Fin de journée et la rousse était fatiguée. Elle sortit de la mairie à grand pas, ignorant les conseillers qui voulaient absolument lui parler. Il était déjà vingt heures et la nuit était noire. Elle se dépêcha de rentrer chez elle. Depuis quelques temps, des meurtres atroces avaient lieu et elle n’avait pas envie d’être la prochaine victime. Elle arriva chez elle et fonça dans la cuisine, où une servante lui donna un thé. Tout en le touillant délicatement du bout de sa cuillère, la jeune fille réfléchit. Elle devait retrouver le vampire mais aussi s’occuper des créatures qui rôdaient dans la nuit. Ils avaient déjà assez de problèmes avec les Maudits, alors si en plus d’autres bêtes si mettaient, ils n’étaient pas sortis. Elle prit sa tasse et souffla lentement sur sa boisson, puis la but à petites gorgées, son esprit marchant à plein régime. Finalement, l’idée germa et elle reposa brusquement le récipient.

« Je sors.
- Encore ?! Mais Madame, déjà hier soir et …
- Depuis quand vous vous croyez en droit de me poser des questions ? Je ne sais pas à quelle heure je rentrerais, alors faites attention à ce que le feu ne s’éteigne pas. »

Elle se leva et alla enfiler sa cape puis sortit. La fraîcheur de la nuit n’était pas agréable et une légère brume s’élevait du sol. La rousse frissonna et mit sa capuche sur sa tête avant de parcourir les rues rapidement. Bientôt, elle arriva devant la bibliothèque et fit un tel vacarme à frapper contre la porte que le vieillard qui s’en occupait, pourtant sourd, vint lui ouvrir. Sans un mot, elle s’engouffra dans le bâtiment et se dirigea directement vers le rayon « mythes et légendes ».

Elle ressortit vers minuit, encore plus perturbée que lorsqu’elle y était rentrée. Elle avait découvert beaucoup de choses, compromettantes pour elle, pour la ville mais aussi pour ses ennemis, ce qui n’était pas si mal. Alors que n’importe quelle personne normale et saine d’esprit serait rentrée directement chez elle plutôt que de traîner dehors par cette heure mortelle, Alice se sentit étrangement attirée vers le parc et dirigea ses pas vers l’endroit, sans savoir pourquoi, surtout qu’il se trouvait à une quinzaine de minutes vu sa marche lente.

Quelqu’un se tenait devant l’entrée du parc, mais cela ne gêna pas la jeune fille, qui continua d’avancer à petit pas. L’inconnu se tourna vers elle et lui parla d’une façon qui ne lui plut pas du tout. Alice s’arrêta et lança un regard froid à cet homme.

« Je suis Alice Carwell, dirigeante de cette ville. Vous avez intérêt à manifester un peu plus de respect à mon égard. »

Toujours aussi hautaine, cette petite humaine … Un son lui parvint aux oreilles et lui glaça le sang. Celui d’une horloge. Comprenant, qu’elle n’avait pas un homme ordinaire en face d’elle, Alice devint agressive et lui adressa un sourire malsain.

« J’espère que vous n’avez pas l’intention de boire mon sang, je ne suis pas une banque d’hémoglobine ambulante. »

Certes, ces paroles ne devaient pas avoir de sens pour l’inconnu, vu qu’il ne connaissait pas sa vie, mais l’agacement et la colère qui transparaissaient dans sa voix montraient son ras-le-bol de se faire manipuler comme une simple poupée.

{C'est nul, désolée ♥}

Il la toisa et cela ne lui plaisait pas. Pour qui se prenait cet insolent ? Ce n’était pas parce qu’il était un Maudit que tout lui était permis. Alice savait bien qu’elle jouait avec sa vie à lui rendre son regard hautain, mais le frisson d’excitation dû à la dangerosité de la scène la poussait à être encore plus téméraire. Elle fut surprise par sa proposition et cela se vit sur son visage. Une partie d’échec, à cette heure-là ? Tout de suite, elle se dit que cela sous-entendait quelque chose d’autre. En même temps, un Maudit a toujours l’esprit détraqué, alors ce n’était pas si étonnant que ça. Elle hésita tout de même, ne sachant pas ce qui se tramait derrière cette question. Elle resta silencieuse, observant de ses yeux clairs l’homme en face d’elle, qui se tenait droit comme un majordome devant sa maîtresse. Il se résigna à son silence.

« Je ne suis pas une enfant. Je sais faire attention à moi pour rester en vie. Mais merci pour cette attention très ... Touchante. »

Un sourire ironique étira ses lèvres. Il se croyait capable de lui donner des conseils sur comment mener sa vie ? Elle avait déjà vécu plus de choses que les adolescentes de son âge, plus d’événements qui la poussaient à être prudente à chaque instant de son existence. Ce n’était pas lui qui allait lui apprendre que la vie était précieuse et était si facilement fauchée. Son sourire fondit en deux secondes et son visage redevint sans expression.

« Mais la moindre des choses, c’est de se présenter, surtout quand on s’adresse à une dame. La ... ‘gamine’ aimerait bien savoir à qui elle avait à faire. »

Elle voulait savoir l’identité de la personne en face d’elle. Car les Maudits les plus dangereux étaient connus de tous et elle pourrait donc savoir s’il avait déjà fait des ravages ou pas. Elle détourna le regard, s’arrêtant un instant sur les feuilles des arbre secouées par la bise qui soufflait. Elle frissonna et resserra son manteau autour d’elle. L’automne perpétuel qui régnait sur ville continuait à la transir ... Quand est-ce que le soleil reviendrait, pour leur offrir un bel été ? Elle ne se souvenait même pas d’en avoir connu un réel. Elle soupira.

« Je ne sais même pas pourquoi je perd mon temps avec vous ... »

Il était sans intérêt. On remarquait les gens intéressant dès le premier coup d’œil, or il était tout le contraire. Pourquoi continuer à lui parler alors ? Peut-être parce qu’elle n’avait rien de mieux à faire. Ou qu’elle voulait s’amuser un peu, le poussant à bout ...