Symphonie de sang [Pv : Alice]

~22h32~

~Environ 70 ans plus tôt, Allemagne~

~23h48~

Une semaine s’était déjà écoulée ... Une semaine pendant laquelle Alice avait bien été contrainte de ne rien faire, sauf son travail de Maire. Car à présent qu’elle pouvait bénéficier de la protection de Théodore, elle allait éviter de prendre des risques inutiles. Mais la patience ne faisait pas partie de son caractère, si bien que tout le monde regretta qu’elle passe son temps à la mairie. Elle avait été d’une humeur exécrable, donnant des ordres à tout le monde, humiliant les gens, leur faisant payer cher la moindre petite erreur. Alice n’était pas habituée à être passive et rien de mieux pour la rendre grognonne que de l’enfermer chez elle. Certes, il y avait beaucoup de choses à faire, mais les plus importantes se trouvaient dans la rue. Ces derniers temps, de nombreuses personnes étaient mortes par la main des fantômes qui avaient envahis la ville depuis quelques mois et Alice avait besoin d’aller sur le terrain pour observer, noter, comprendre. Mais elle devait se contenter des tâches administratives. Soit, elle allait bouger la bande de larves qui s’occupaient de a ville. Alice était assoiffée de pouvoir et faisait passer ses intérêts avant ceux des autres, mais cela ne l’empêchait pas de mener la cité d’une façon juste et sévère. Car si elle se développait, ce serait tout bénéfice pour elle.

Ca avait été une semaine éprouvante, car beaucoup de choses avaient traînés ces derniers temps. Elle avait bâclé son travail, chose qu’elle ne ferait plus à l’avenir. De un, parce que son père risquait de lui enlever les droits d’administration s’il croyait qu’elle était développée. De deux, parce que cela prenait vraiment trop de temps à rattraper plusieurs semaines ... Elle était tout simplement exténuée. Ce jour-là, elle était sortie de la mairie à vingt-deux heures passées. Et il fallait encore qu’elle fasse des recherches à la bibliothèque. Elle passa rapidement en cuisine prévenir les domestiques qu’elle ne voulait être dérangée sous aucun prétexte et que si quelqu’un venait la voir, elle allait lui faire regretter. Après ses recommandations, elle monta dans la pièce qui se trouvait à l’opposé de sa chambre. Elle se laissa tomber sur un fauteuil et attrapa le livre d’économie qu’elle était en train de lire. Mais la fatigue eut raison d’elle et rapidement, elle s’endormit, le nez posé sur les pages ...

Une douce mélodie lui parvint aux oreilles, l’éveillant doucement. Elle se redressa, faisant tomber le livre au sol. La rousse se frotta les yeux. Etait-ce déjà le matin que quelqu’un joue du violon ? Pourtant, elle n’avait pas eu l’impression de dormir beaucoup ... Elle jeta un coup d’œil à l’horloge et vit qu’il était minuit moins le quart. Alice fronça les sourcils, se leva et sortit de la pièce. Elle vit un attroupement devant la porte de sa chambre et n’en fut que plus étonnée. Elle comprit alors que la musique venait de là.

« L’imbécile ... »

Elle avait vite comprit qu’il s’agissait sûrement de Théodore, le seul être sur cette terre capable de faire ça. Il allait encore lui attirer des problèmes ... Elle ne se précipita pas tout de suite dans la pièce, préférant d’abord écouter la mélodie. Elle était d’une rare beauté. Mais Alice était troublée par la mélancolie qui en émanait. Comment une telle créature pouvait exprimer aussi bien les sentiments dans sa musique ? Cela ne l’incita qu’à faire preuve d’encore plus de prudence. Il semblait pouvoir si bien mentir avec les sentiments ... Puis elle se rappela où il se trouvait et une colère noire monta en elle. La rousse traversa à grand pas le couloir, bousculant les gens qui se trouvaient dans son passage. Elle rentra dans sa chambre comme une furie et claqua la porte avec violence, restant le dos collé au bois pendant un moment, puis elle alla ouvrir à Canine.

« Etes-vous fou ?! Voulez-vous que tout le monde soit au courant de ce qui se passe, et que vous soyez traqué comme une simple vermine ? »

Elle s’approcha de lui. Certes il était plus grand, mais cela ne l’impressionnait pas du tout. Il fallait qu’elle mette les choses au clair avec lui, sinon c’étaient leurs vies à tous les deux qu’ils mettaient en péril.

« C’est la dernière fois que vous me faîtes un coup pareil. »

La colère était palpable dans sa voix. En effet, elle aurait pu tout simplement faire croire qu’elle ne le connaissait pas et qu’il la poursuivait. Ce ne serait pas difficile, car quiconque parlerait avec lui se rendrait bien compte qu’il a l’esprit un peu dérangé. Mais elle avait trop besoin de lui pour se permettre de le sacrifier d’une telle façon. Surtout qu’elle n’était pas sûre que ce soit une méthode efficace pour s’innocenter. Elle recula et soupira, passant la main dans sa tignasse rousse. Elle était fatiguée, comme le témoignait son teint pâle et ces cernes, mais elle n’allait pas refuser la proposition de Canine. Elle enfila un manteau et tout en s’attachant les cheveux, lui demanda :

« Où ça ? Pour quoi faire ? »

Alice faisait face à son miroir, tentant de s’attacher correctement les cheveux pour qu’ils ne la gênent pas. Elle les attacha en chignon serré, pour les empêcher de tomber sur ses épaules et dans son dos. Quelques mèches s’échappaient encore, torsadant sur les côtés de son visage, mais cela lui suffisait amplement. Surtout qu’elle ne savait pas ce qu’ils allaient faire. Elle jeta un regard dans le miroir et s’aperçut qu’elle ne pouvait voir le jeune homme. Hum étonnant, mais pas tellement en fait. C’était une créature de l’ombre et même si pour l’instant Alice se refusait de l’appeler vampire, il avait toutes les caractéristiques pour en être un. Elle posa sa brosse à cheveux sur le meuble et resta face à la glace, attendant une réponse. Elle sentit un poids sur ses épaules, la faisant sursauter. Elle regarda et vit des doigts, qui appartenaient sûrement à Théodore. Elle se détendit, se résignant déjà à ce qu’il allait se passer. Mais il se contenta de l’embrasser, effleurer sa peau tendre de ses dents. Elle frissonna. C’était spécial comme sensation. Elle se retourna et lui jeta un regard troublé. A quoi jouait-il ce soir ? Etait-il en train de la tester ? Elle préféra ne rien dire et attrapa la main qu’il lui tendait, pour se percher sur son dos. Elle ne pouvait s’empêcher de se coller à lui et de lui serrer fortement les bras autour du cou, de peur de tomber.

Ils sautèrent de toit en toit et Alice osa regarder les rues, la ville qui s’étendait à leurs pieds. Et sincèrement, c’était un spectacle qui valait la peine d‘être vu. Elle ne grimpait jamais sur les toits et n’avait donc jamais une vue dégagée de toute la cité. Elle pouvait voir jusqu’au frontière des maisons, les lumières ponctuant l’obscurité. Elle sentait une légère brise sur son visage, rendant le voyage plus agréable. Elle sentit une secousse et se rendit compte que Canine avait changé de direction et allait plus vite. Elle fronça les sourcils. Qu’avait-il encore en tête celui-là ? Ils arrivèrent dans une rue semblable aux autres. Elle posa les pieds sur le sol et regarda autour d’elle, curieuse. C’est alors qu’elle vit la Maudite, en même temps que le tic-tac de son horloge. Son visage se durcit. Encore un parasite de cette ville. Ce n’était pas la première fois qu’elle rencontrait un Maudit, et sûrement pas la dernière. Et pour une fois, elle avait un protecteur ... Ou pas. Elle vit le couteau cliqueter sur le sol devant elle et Canine partir. Il jouait à quoi là ? Il comptait vraiment la laisser aux prises avec la femme ? Il voulait la voir mourir au quoi ? Alice se baissa prestement pour attraper l’arme et la pointa vers la créature.

« Ne m’approchez pas ... »

Mais la Maudite, décimée par son chagrin d’amour, perdait complètement les pédales. Dans un cri guttural que seul un humain au cœur brisé était capable de pousser, la Maudite se jeta sur elle. Alice agita l’arme devant elle, dans une tentative désespérée de se protéger. Avec chance, elle blessa la Maudite au bras, le sang gicla. La femme s’arrêta et regarda d’un air abruti son bras, comme si elle n’arrivait pas à réaliser qu’elle était blessée. Puis elle regarda Alice et se mit à sourire d’une façon si sadique que la rousse fut pétrifiée par la peur. Et oui, elle faisait la brave, mais au fond, elle était encore bien peureuse dès qu’il s’agissait d’un affrontement direct. Elle recula de quelques pas, mais la Maudite la prit par le col et la colla au mur.

« Pourquoi tu ne veux pas me répondre ? C’est toi qui a prit ma place, avoue le ! »

Le visage de la femme se décomposa sous le coup de la colère et ses deux mains se refermèrent sur le cou d’Alice. Celle-ci tenta tant bien que mal de se débattre et planta même son arbre dans l’épaule de son agresseur, mais ceci ne résout rien. Alors elle appela Théodore avec toutes les pensées qu’elle était encore capable de formuler ...

Elle l’appelait, elle n’en avait même plus conscience. Ses cris de désespoir devaient résonner dans la tête de Théodore. C’était devenu un automatisme. Ses forces s’amenuisaient tandis que les mains autour de son cou se resserraient. La Maudite continuait de la secouer et en lui hurlant qu’elle voulait une réponse. Finalement, Alice abandonna. Apparemment, Canine avait eu l’intention d’orchestrer son meurtre ... Sinon, il serait déjà venu. Mais au moment où elle pensait tomber dans l’inconscience, l’étreinte sur sa gorge se desserra et elle s’effondra sur le sol, suffoquant, essayant de retrouver son souffle perdu. Elle leva les yeux vers la jeune femme qui avait tenté de la tuer. Celle-ci se jeta sur Canine avec une agressivité assez exceptionnelle. Mais elle n’avait pas peur pour son serviteur. Il avait bien mis en déroute le Fantôme du lac, alors cette pauvre Maudite en mal d’amour n’allait sûrement pas lui poser beaucoup de problème. Alice se passa la main sur la joue et la retira rouge de sang. Elle grimaça avant de e relever difficilement. Certes, elle avait honte d’elle, qui n’était même pas capable de se défendre toute seule, mais elle ne comptait pas le dire à Canine. Pour l’instant, elle n’affichait aucune émotion, attendant qu’il vienne la voir, avec son indifférence habituelle.

Mais cette fois, il exprima enfin quelque chose. Le mépris. Cela toucha Alice de plein fouet et attisa son orgueil. Non mais pour qui se prenait-il à lui parler comme ça ? Personne n’en avait le droit ... Elle ouvrit la bouche pour lui dire de se taire puis se souvient qui elle avait en face d’elle. Ce n’était pas un de ses laquais, ou un conseiller récalcitrant. C’était un Chasseur et sûrement non-humain. Quelqu’un qui avait l’habitude de faire ce qu’il voulait et non d’écoutait ce que l’on lui disait. Un peu comme elle en fin de compte ... Sauf que lui était dangereux en plus de ça. Alice baissa les yeux. C’était cet aspect là qui lui manquait pour régner sur la ville et pour forcer tout le monde à l’écouter. Elle le regarda se mordre le poignet. Quand elle se sentit plaqué contre le mur, elle tenta de se débattre pour échapper à l’emprise de Canine, comprenant qu’il comptait lui faire boire son sang. C’était hors de question ! Mais cette lutte était peine perdue. Elle tenta désespérément de s’en aller, lui sommant de s’arrêter. Les larmes montèrent aux yeux de la rousse, mais aucune ne s’échappa.

Elle était terrorisée, c’était le cas de le dire. Le poignet du monstre collé contre ses lèvres, sa main sur sa gorge, elle n’eut d’autre choix que de boire le sang. Au bout d’un moment, elle se rendit compte avec horreur que c’était elle qui aspirait le liquide par la blessure. Un profond dégoût d’elle-même l’envahit. Elle pensait bien que c’était quelque chose de naturel, que n’importe qui aurait sûrement fait comme elle, mais elle ne pouvait s’en empêcher. Elle était un monstre. En cet instant précis, elle haïssait La créature comme elle n’avait jamais haït quelqu’un. Elle voulait lui faire payer cher cet affront. La respiration saccadée elle détourna la tête. Elle tremblait, non de peur, mais de rage. Les dernières paroles de Canine l’achevèrent, la rendirent folle. Après avoir ingurgité le sang du vampire, n’importe quel humain aurait ressentit des choses en lui. Mais pour Alice, la force qu’elle sentit se répandre dans son corps n’avait pas d’égal. La rage et sa nature, qui n’était pas aussi humaine qu’elle le pensait, lui permirent d’avoir le dessus sur le vampire, l’espace d’un instant.

« ASSEZ ! »

L’ordre tonna dans la ruelle. La rousse releva la tête. Ses yeux abritaient la même lueur de folie que ceux de Canine. Elle le repoussa, l’obligeant à faire un pas en arrière. Puis, avec une vitesse étonnante, même pour un vampire, elle se plaça derrière lui et mit sa jambe de telle manière à le faire tomber. Elle attrapa le couteau et s’assit sur son torde, lui bloquant les bras avec les jambes. Quiconque était un peu doué de pouvoir pouvait sentir que ce n’était plus elle. Elle ne contrôlait plus rien. Peut-être était-ce pour ça qu’il se laissa aussi faire. En quelques secondes, elle était passée de la pauvre fille collée contre un mur à la prédatrice assise sur sa proie, lui tenant un couteau sous la gorge.

« Je crois que tu n’as pas très bien compris qui était le Maître ici, Théodore. »

Elle appuya un peu plus le couteau contre la peau de son serviteur. Quel délice se serait de le tuer, là, à cet instant ... De voir le sang gicler de la plaie ... Peut-être d’entendre un gémissement de douleur s’échapper de ses lèvres ... Non, non, elle devait se retenir, elle avait encore besoin de lui.

« Tu es mon serviteur, tu n’as aucunement le droit de me parler ainsi. Alors surveille ton langage. Dois-je te rappeler qui je suis ? Crois tu qu’on apprend aux jeunes femmes de mon rang à se battre ? Non. Et c’est là ta tâche. M’apprendre à manier des armes et non essayer de me tuer. Quant à ton sang ... »

Elle retourna le couteau et le lui planta brutalement dans l'épaule gauche.

« Si j’en veux, je le prendrais, ne me forces plus jamais à le boire ! »

Elle se releva et s’éloigna de quelques pas. Peu à peu, sa frénésie se calmait, laissant place à un étonnement profond. Elle ne se savait pas capable de faire ça. Mais elle sentait que cela allait revenir. Et elle se sentait bien quand elle était sous son emprise. Elle se sentait puissante. Elle se retourna pour regarder Théodore.

« Mais je sens ta faim ... Grandissante ... Pourquoi ne te nourris tu pas ? »

Elle le défiait du regard, voulait prouver qu’elle pouvait être autre chose qu’une limace qui avait besoin d’une protection en permanence. Elle espérait qu’avec le temps et l’aide de Théodore, elle deviendrait enfin indépendante. C’était une des raisons qui l’avaient poussée à accepter ce pacte : le pouvoir. Et maintenant qu’elle y avait gouté, elle n’allait pas y renoncer de si tôt. Elle se laissa porter et coller contre le mur, comprenant que c’était plus facile pour lui que de devoir se baisser. Non, Alice n’était pas petite ! C’était lui qui était grand ... Elle ferma les yeux et noua ses bras autour de son cou tandis qu’il plantait ses crocs dans son cou. C’était toujours le même mélange de sensations. Elle sentait ses forces diminuer, mais sans pour autant qu’elle se sente affaiblie ou nauséeuse. Elle était bien, sûrement à cause du sang de Canine qui coulait encore dans ses veines. Elle rouvrit les yeux et aperçut un homme. Elle n’y fit pas attention jusqu’à ce qu’elle aperçoive l’arme dans sa main. Elle fronça les sourcils. Qui est-ce que cela pouvait bien être ? La croix sur son torse attira alors son intention. Un religieux. Et à la bouteille dans sa main, ivre en plus. Génial ... Théodora la lâcha et elle retomba sur le sol, préférant rester en retrait pour l’instant.

Il connaissait son serviteur ... ou quelque chose dans ce genre là. Après tout, il avait bu, devait-on croire ce qu’il racontait ? L’homme tenta de tirer sur le vampire, ce qui était peine perdue. Ils se bâtirent un instant, puis un coup de feu partit et son compagnon se retrouva devant elle, encaissant le coup avant qu’elle ne comprenne que la balle aurait dû la trouer s’il n’avait pas été là. En gros, elle était complètement perdue. Se battre avec un couteau ou une arme blanche d’accord. Mais les armes à feu ... Les projectiles allaient bien trop vite. Elle baissa les yeux en entendant une lame cliqueter sur le sol. Le couteau. Elle le ramassa prestement et le cacha dans sa manche. Pour l’instant, ça ne servait à rien qu’elle essais de l’utiliser, elle risquait de se blesser plutôt qu’autre chose. Finalement, l’homme réussit à blesser Canine et se précipita sur la rousse, la prenant en otage. Alice se laissa faire, sachant que si elle essayait de s’enfuir, il allait lui tirer dessus et que donc, ça ne servirait strictement à rien.

L’homme semblait surpris par la réponse de Canine et il y eut un moment de flottement, pendant le quel rien ne bougea. Alice semblait amorphe, le regard vide. En fait, elle se rappelait des paroles de Canine, du mépris qu’il avait laissé transparaitre, de son père, cette larve qui mourrait au fond d’un lit et qu’elle détestait, à ce conseiller qui lui tapait sur les nerfs, ... Elle essayait de retrouver ce sentiment de rage qui l’avait habité lorsqu’elle avait réussit à avoir le dessus – ou presque – sur le vampire. Cette folie sanguinaire ne se trouvait pas loin et elle n’eut pas à l’appeler bien longtemps pour la sentir l’envahir. Elle était fatiguée, mais contrairement à ce qu’elle pensait, ce n’était pas mauvais, bien au contraire. Sa volonté de ne pas finir en monstre était tout aussi faible, permettant aux voix pernicieuses qui lui promettaient du pouvoir de s’infiltrer jusqu’au fond de son esprit. Alors que son agresseur ne devait surement pas s’attendre à ce qu’elle se défende, Alice lui donna un coup de coude dans le ventre, lui permettant d’attirer l’attention de l’homme sur autre chose. Il grogna et resserra sa prise sur l’épaule de la jeune femme, mais elle avait déjà réussit à se dégager.

Si John avait eu un peur d’esprit, il se serait enfui, laissant les deux compagnons tranquilles. Mais l’alcool embrume l’esprit et plutôt que de prendre ses jambes à son cou, il tendit le bras portant l’arme vers Alice, espérant pouvoir lui placer une balle dans le crâne. La rousse en profita pour lui attraper le membre et le plier en deux, dans e mauvais sens. Un craquement sec se fit entendre quand l’articulation se cassa et le religieux hurla de douleur. C’était doux à ses oreilles. Elle sortit ensuite le couteau que lui avait donné Canine et elle le planta dans le ventre de son adversaire et le tourna, créant un trou dans la peau et dans la chair. Alice ne pouvait s’empêcher de jubiler en voyant tout ce sang et la douleur sur le visage de sa victime. C’était horrible, car elle n’assumait pas ses sentiments. Une partie d’elle réprouvait ce comportement et elle savait que dès qu’elle ne serait plus sous l’emprise du sang de Canine, elle serait absolument dégoutée par ce qu’elle avait fait. Mais le bon point, c’est qu’elle n’était plus paralysée par la peur. Les remords auront le temps de venir, mais plus tard. Elle sentit une trainée brulante sur sa joue et vit que son adversaire tenait un couteau, taché de son sang. Elle avait eu de la chance que ce soit de sa mauvaise main, sinon il l’aurait égorgée sans problème. Le couteau que tenait Alice dans ses doigts décrivit une courbe gracieuse avant de taillader le cou du religieux. Il était temps d’en finir. La carotide fut tranchée, le sang gicla et l’homme s’écroula sur le sol, suffoquant dans son hémoglobine. Mais ce n’était pas assez pour Alice. Elle se laissa tomber avec lui et lui planta brutalement le couteau dans le crâne, faisant exploser l’os et révélant le cerveau, qui s’écoulait sur le sol en même temps que le liquide rouge. Alice était devenue complètement folle à vrai dire. Elle n’avait plus conscience de ce qu’elle faisait, s’acharnant sur le cadavre. Si Théodore ne l’arrêtait pas, elle allait réduire le corps en charpie ...

Alice s’amusait sur le cadavre, on aurait dit une petite démonne, et non la jeune bourgeoise froide qu’elle était censée être. Cela ne l’étonnait même pas d’avoir triomphé aussi rapidement, sur un adversaire qui semblait être pourtant bien plus fort qu’elle. Non, cela ne lui toucha même pas l’esprit. Mais lorsque le cadavre s’illumina, elle se stoppa, se demandant quand même si c’était bien normal. Elle jeta un coup d’œil à Canine, qui semblait également surpris. Elle n’eut pas le temps de se dégager qu’une main lui saisit le bras et l’envoya contre un mur. Alice ferma les yeux et se prépara au choc. Mais ce fut le corps de Théodore qu’elle heurta. Celui-ci lui prit l’arme des mains, la laissant sans défense. Alice était déjà un peu craintive et jeta un regard inquiet au vampire. Qu’allait-il se passer ? Ils allaient se battre forcément, mais Alice doutait de la capacité de son serviteur à avoir le dessus. Surtout que le prêtre semblant complètement possédé. Elle obéit à l’ordre de Canine et s’éloigna un peu du combat. Elle ne pouvait s’empêcher d’être anxieuse et se tordait les mains, regardant les deux hommes se battre. Le religieux avait adopté une apparence toute autre, révélant sa vraie nature. Il n’était pas humain. Les deux adversaires s’éloignèrent sur les toits et Alice les suivaient depuis les ruelles. Pourquoi ? Elle aurait très bien pu s’enfuir aussi. Mais elle ne se voyait pas abandonner Théodore comme ça. Comme quoi, elle savait être courageuse ... Finalement, le vampire atterrit devant elle. Alice écarquilla les yeux en voyant les nombreuses blessures qui parsemaient son corps. Elle le laissa l’installer sur son dos et serra fortement son corps contre le dos du jeune homme. Rien que de voir l’autre la poussait à raffermir sa prise.

Après une course sur les toits, ils arrivèrent devant une maison, qu’Alice devina comme la résidence de Canine. Elle entra en courant et monta les escaliers. Arrivée au premier étage, elle chercha près de la porte, mais ne vit rien. Elle grinça des dents. Chaque seconde qui s’écoulait était dangereuse pour eux deux et rapprochait le démon de sa victoire. Elle fouilla la pièce du regard, n’osant pas touché aux objets qui se trouvaient là. Finalement, au bout de quelques minutes, elle aperçut le katana, posé sur un meuble. Elle en saisit la poignet et sut que c’était lui. L’aura sacré lui donnait des fourmis dans la main. Elle redescendit et sortit dehors à toute vitesse, pour tomber sur une scène assez étonnante. Théodore était suspendu dans les airs, le démon enserrait son cou. A son ordre, Alice hésita. Elle avait perdu une partie de sa folie et ne la retrouverait pas pour ce combat. Il fallait qu’elle dompte sa peur. La rousse prit une grande inspiration et se jeta sur son adversaire, balayant l’air de l’arme. Le démon n’eut pas de mal à arrêter cette attaque maladroite, mais au moins, il avait lâché son compagnon. Cependant, avant qu’elle ne puisse lui porter une seconde attaque, elle ressentit un grand choc sur la tête et s’effondra sur le sol. Elle résista contre les ténèbres qui envahissaient son esprit. Elle devait lutter, aider Canine ... Mais son corps ne lui répondait pas. Elle entendit une mélodie puis des bras la saisirent. Elle sut que c’était le vampire et se laissa tomber dans l’inconscience ...

Lorsqu’elle reprit connaissance, ce n’était plus le pavé de la rue sous son dos, mais un matelas moelleux. Elle ouvrit doucement les yeux. La pénombre régnait sur sa chambre. Elle soupira. Tout cela n’avait-il été qu’un rêve ? Elle se redressa et grimaça en sentant un mal de crâne arriver. Non finalement, elle s’était bien fait assommée. Elle se tourna pour descendre de son lit et aperçut deux pupilles couleur rubis au fond de la pièce. Canine. Elle ne dit mot et se leva, se dirigeant vers le miroir. Elle faisait franchement peur à voir. Ses cheveux étaient en bataille, son visage marqué par la blessure du prêtre, ses vêtements couverts de sang et de poussière. Elle baissa les yeux. Les événements lui revenaient en mémoire et elle avait honte de ce qu’elle avait fait. La jeune fille s’appuya contre le mur et se laissa glisser jusqu’au sol, baissant la tête. Elle avait besoin de temps pour tout digérer. Tout cela s’était passé trop vite. Elle avait tué. Elle qui ne pensait jamais devoir faire couler de sang. Elle fut pris de tremblements, complètement sous état de choc.

« Je l’ai tuée ... »

Les larmes contenues jusqu’à là se mirent à couler. La fatigue, la colère, la peur, tout se vidait d’un coup. Il n’avait fallut qu’un seul élément déclencheur. Oubliant la présence de Théodore, elle continua à parler à travers ses sanglots silencieux.

« Comment ai-je pu faire ça ... ? Je ne vaux pas mieux qu’eux. Je suis un monstre. Le plaisir de le faire ... Le désir de voir ce sang ... De sentir la chair s’ouvrir ... »

Un gémissement de douleur s’échappa de ses lèvres. Il lui fallait du temps ...

Il parlait, mais ses mots dénués de sentiments n’arrivaient pas à toucher la jeune fille et à faire cesser ses larmes. Ne comprenait-il pas qu’un humain avait besoin de temps pour assimiler ses actes ? Alice ne pouvait se résoudre au fait qu’elle avait commis un meurtre. Non seulement du prêtre, mais aussi de la Maudite ... Oui, elle avait aimé voir le sang, mais son esprit ne pouvait l’accepter. Le problème de la rousse, c’est qu’elle se considérait comme supérieur aux autres humains et donc réprouvait cette nature qui lui donnait du plaisir à faire souffrir les autres. Il allait falloir du temps. Elle avait été ébranlée par cette nuit, se remettant en question. Finalement, elle ne valait pas mieux que les autres. Elle était tout aussi horrible, tout aussi abject. Elle frissonna en se rappelant le désir et le plaisir qu’elle avait éprouvé. Mais elle ne pouvait s’empêcher d’être étonnée par son comportement qu’elle avait eu. Que s’était-il réellement passé ? Certes, le sang de Canine en était une des raisons, mais ce n’était sûrement pas suffisant pour qu’elle devienne complètement folle. Cela lui faisait peur, il fallait bien l’avouer. C’était une partie d’elle qu’elle allait à présent craindre. Comme un monstre tapi au fond de ses entrailles, qui n’attendrait qu’un seul moment d’inattention de sa part pour prendre le dessus.

Elle se sentit soulevé et leva les yeux, apercevant le visage sans expression de Théodore. Elle se laissa porter et jeter comme une simple poupée. Etendue sur le dos, elle ne dit rien pendant un moment, ressassant les paroles qu’il avait prononcé. Essayant de réfléchir, de comprendre. De retrouver son esprit froid et calculateur. Refaire passer ses intérêts avant le reste. Calmer la tempête de sentiments qui envahissait son cerveau et son cœur. Cela lui faisait mal de l’admettre, mais il avait raison. Si elle se mettait à pleurer à chaque fois, ils n’allaient pas aller bien loin. Certes, elle aurait pu lui hurler qu’il ne comprenait rien à la nature humaine et aux états d’âmes qu’elle pouvait ressentir, mais cela ne changerait rien. Le problème, c’était sa nature humaine, qui lui faisait sentir du remord, de la tristesse. Une dernière larme coula le long de sa joue tandis qu’elle se calmait. Rappelle-toi où tu habites petite princesse, rappelle-toi à quel point tu veux affermir ton autorité. Il va falloir t’endurcir, sinon tu te feras poignardé dans le dos au moindre faux pas ... Il est temps de changer, de sacrifier le peu qui faisait de toi encore quelqu’un d’humain pour ta soif de pouvoir. Alice ferma les yeux quelques instants. Etait-elle sûre que c’était ça qu’elle voulait ? Ou allait-elle être lâche comme la plupart de ses concitoyens et reculer ? Car il est bien beau de faire la dure quand on vit dans un monde choyé et un tant soit peu en sécurité, mais lorsqu’on est confronté à la réalité, on change facilement d’avis ...

Elle se redressa et tourna la tête vers Canine, le visage sans expression et le regard déterminé. Fini les larmes et les gémissements. Certes, elle allait sûrement encore défaillir par la suite, car il n’est pas simple de changer aussi radicalement. Elle aurait besoin du soutien de Théodore, même si celui-ci ne semblait pas vraiment prêt à faire autre chose que de la promener à travers la ville et de la mépriser. Soit. Elle pourrait bien s’en sortir toute seule. N’était-ce pas ce qu’elle faisait depuis des années ? Au pire, elle retournerait voir le fantôme de sa mère pour des conseils. Elisabeth avait été si compréhensive, sûrement car elle se rappelait ce que cela faisait d’avoir des sentiments. Contrairement à la créature qui se trouvait devant elle et qui semblait vraiment avoir un problème avec ça. Elle soupira et se passa machinalement la main dans le cou, caressant sa cicatrice du doigt. Elle aussi était là pour lui rappeler qu’elle devait changer. Les souvenirs commencèrent à affluer mais elle les stoppa. Ce n’était pas le moment.

« Ce que je veux ... Hum, la réponse est large. Je veux les voir me craindre. Je veux ma vengeance. Je veux leur montrer qu’une femme peut très bien diriger une ville. Je veux les écraser. Je veux les assouvir. »

Elle se leva et se dirigea vers la fenêtre, observant la ville qui s’étendait au-delà.

« Je veux que tout cela m’appartienne. Qu’ils me craignent. Qu’ils me haïssent. Qu’ils me respectent. Et je suis prête à tout pour ça. Il faut juste ... Me laisser le temps d’encaisser. Souvenez-vous que je ne suis qu’une pauvre petite humaine, qui ressent des sentiments, qui a des états d’âme. »

Elle se tourna pour faire face à son compagnon.

« Ne me jugez pas juste sur aujourd’hui. Je suis capable de bien mieux. Il faut que j’apprenne, c’est tout. »

{Tsss n'importe quoi. C'est très bien ce que tu as fait. Et avoir une réponse de toi dès le matin me met toujours de bonne humeur, quelle qu'en soit la qualité~}